Jour 13 : les 24h dément

 

La nuit fut donc très courte avant ce que nos renards espéraient être leur dernière journée de voyage pour rentrer dans leurs pénates. Le plan était simple : rouler, sans s’arrêter, et espérer arriver à une heure décente. D’après des estimations assez simplistes, les 2000 kilomètres entre Algésiras et Paris pourraient être parcourus à raison d’une moyenne de 100km/h en 20h, et donc en partant à 3h45 du port il était possible d’espérer arriver à minuit. C’était le plan.

Première difficulté : le manque de sommeil. Après que le ferry se fut décidé à vomir sa cargaison de 4L avec plus de 8h de retard sur l’horaire prévu, il fallut partir sans demander son reste, en évitant soigneusement les douaniers qui arrêtaient au hasard certains équipages pour leur demander de vider leur voiture. Evitant ce premier écueil, la répartition des tâches se fit assez naturellement : Joachim conduirait la nuit et Emilie le jour. Ainsi fut fait, et Joachim prit rapidement la direction de Séville. Se tenant au plan, il demanda gentiment à la 4L de rouler à 110km/h, ce qui avait été soigneusement évité jusque là. La 4L accepta de bon cœur, et malgré un bruit assourdissant et un tremblement assez bruyant de la carlingue lorsqu’on dépassait les 120km/h en descente, elle tint bon le rythme. Une fois passé Séville, le ciel commença à s’éclaircir sur la route qui menait à Mérida. Cependant, ce ne fut pas avant d’avoir passé Caceres vers 9h que Joachim passa les commandes à Emilie, qui venait d’achever sa nuit.

Celle-ci, pleine d’une énergie puisée durant la prolongation de sa nuit, fit preuve d’une endurance à couper le souffle, menant la voiture jusqu’à Salamanque, puis Valladolid. L’heure du déjeuner étant arrivée, il fallut arbitrer entre la nécessité de se sustenter et la volonté d’arriver à une heure convenable à Paris. Le compromis qui fut trouvé fut de faire la cuisine en roulant pour ne pas perdre de temps, son copilote tenant le réchaud à la main et faisant de son mieux pour gérer l’ébullition de la conserve.

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Arrivés à Burgos, quelle ne fut pas la surprise de nos sciences-pistes lorsqu’ils constatèrent que les vertes plaines baignées de soleil avaient fait place à de vastes étendues enneigées, et que les flocons continuaient de tomber. C’était comme si un mur thermique avait été franchi, et la situation ne s’améliorait pas au fur et à mesure que l’on se rapprochait de San Sebastian et de la frontière. Celle-ci passée dans un grand soulagement de retrouver son chez-soi, il restait encore toute la France à remonter.

Il était 19h lorsque la 4L doubla Bayonne, Emilie passa alors le volant à son coéquipier après 10h de conduite non-stop. Celui-ci s’était reposé tant qu’il avait pu durant la journée, mais les siestes rythmées pas le grondement du moteur et le couinement des suspensions n’avaient guère eu d’effet sur son état de fatigue général. Il conduisit néanmoins patiemment la voiture vers le nord, red bull lui donnant des ailes. Cependant, vers 1h du matin cela n’était plus assez pour le tenir éveillé et la voiture commença à zigzaguer. Il sortait alors humer l’air glacé des aires d’autoroute et repartait de plus belle, jusqu’à ce que les marquages au sol se brouillassent de nouveau. Finalement, grâce à ce procédé et d’autres plus originaux parmi lesquels se brosser les dents en conduisant figure en bonne place, le conducteur se maintint éveillé jusqu’à Paris, qu’il atteignit vers 4h du matin, après 24 heures de remontée que la 4L fumante n’est pas prête d’oublier.

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Jour 12 : rien ne sert de courir…

L’équipage 1667 s’était décidé à être sérieux en ce jour de départ, et la cruelle sonnerie du réveil retentit à 6h tapantes. Grâce à un effort de volonté surhumain, les équipiers renoncèrent à la chaleur des draps immaculés du 4 étoiles et se mirent en route pour une longue traversée du Maroc, de Marrakech à Tanger. S’ils s’étaient décidés à rogner ainsi leur sommeil, c’était parce que nos sciences-pistes espéraient bien prendre la place de quelque lève-tard sur le bateau de 16h plutôt que de prendre celui de 18h, qui les ralentirait dans leur remontée jusqu’à Paris.

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Tout se passa comme prévu, et même mieux : après 8 heures de route coupées par une pause de 15 minutes nécessaires pour chercher le panier repas gracieusement offert à l’université de Rabat, nos renards essoufflés arrivaient à Tanger après une course de plus de 600 kilomètres.

Arrivant à 15h, soit une heure avant le départ, ils se félicitaient d’avance de leur coup de poker lorsque un détail leur mit la puce à l’oreille : aucun bateau n’était à quai 30 minutes avant le départ prévu. Demandant la raison de cette anomalie à un employé du port, celui-ci leur répondit en riant qu’ils étaient partis pour 4 heures d’attente. Refusant de le croire – dans l’hypothèse où ils auraient loupé le bateau de 16h, deux autres étaient prévus à 18h et 19h – nos sciences-pistes s’installèrent dans la voiture pour se protéger des températures nettement plus fraiches que dans le désert et attendirent, attendirent… et attendirent encore. Finalement, un bateau vint s’amarrer au quai vers 22h. Vers 22h30 les voitures furent autorisées à embarquer et à minuit le bateau n’était toujours pas parti.

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Jour 11 : luxe, calme, et marchandage

La journée commença très tard pour nos sciences-pistes, qui ne consentirent à sortir des draps moelleux de l’hôtel que vers 9h30. Un petit déjeuner somptueux les attendait, tel qu’ils n’en avaient pas osé en imaginer lors de leurs matinées dans le désert. En sortant de la splendide salle à manger, ils virent que leurs coéquipiers n’avaient pas beaucoup attendu avant de s’agglutiner autour de la piscine.

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Décidés à profiter au maximum de la ville, ils prirent un taxi jusqu’à son centre et commencèrent par son attraction principale : le souk. Tout s’y négociait et s’y vendait, des traditionnelles babouches ou djellabas à des produits plus exotiques comme des caméléons, lézards et tortues. L’immersion dans ce dédale fut une expérience totale des sens : l’air y était parfumé par l’odeur du cuir tanné et des épices, les ruelles couvertes résonnaient du bruit des marchands vantant leur marchandises, l’œil était attiré par le miroitement du métal ouvragé, le toucher était flatté par la douceur des étoffes et le goût s’émerveillait de la force des épices et des huiles qui font de la cuisine marocaine la 3ème du monde. Mais le souk perdrait de son charme si la négociation n’y était pas si âpre. Tout est fait pour faire de l’achat un jeu, à commencer par les scènes théâtrales des vendeurs qui semblent jouer l’issue de leurs jours sur la vente d’un article quelconque. Y prenant goût dès les premières minutes, Joachim trouva finalement l’expérience harassante au bout de 4h de déambulation et il fallut bientôt se restaurer en terrasse d’un café pour reprendre des forces.

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Le soir venu, tous les étudiants furent conviés chez Ali, sorte de grand Disneyland marocain regroupant toutes les attractions possibles et imaginables. Assistant à la remise des prix, ils furent émus devant l’écran géant qui retraçait les grandes étapes de leur aventure en image, et applaudirent à tout rompre les équipages qui remportaient l’épreuve haut la main. S’asseyant à des tables de gala, ils virent passer entre eux des danseuses en costume traditionnel accompagnées de musiciens qui battaient la cadence alors que se vidaient les bouteilles de vin marocain. Un spectacle équestre avec coups de feu tirés à cheval et feu d’artifice suivit le dîner, donnant aux yeux des étudiants un dernier aperçu folklorique de la culture marocaine avant d’entamer le long trajet jusqu’à chez eux.

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Jour 10 : quand il n’y en a plus, il y en a encore

L’activité commença dès 5h sur le bivouac avancé constitué par ce groupe particulier de trophystes – les lève tôt et accélère fort – qui avaient atteint le kilomètre 230 à la tombée de la nuit. Leur sommeil résistant aux bruits de moteur usés de ceux qui partaient en espérant parcourir les 374km qui les séparaient de Marrakech avant midi, nos sciences-pistes ne purent rester blottis dans les bras de Morphée lorsque la 4L garée tout près de leur tente démarra dans un bruit de tonnerre. Levés à 6h, ils se mirent donc en chemin.

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Le soleil se leva dans leur dos, sa lumière dorée les rattrapant jusqu’à illuminer la fin de piste devant eux. Passés sous l’arche de contrôle, ils firent vérifier le choc de la veille par des mécaniciens mal réveillés qui les assurèrent que seul le châssis était tordu, et que ni le bruit de succion qui se faisait entendre en appuyant sur la pédale d’embrayage, ni le fait qu’il faille désormais tirer en deux fois le levier de vitesse pour passer la seconde n’étaient anormaux. Faisant semblant d’être rassurés, ils partirent et continuèrent jusqu’à Ouarzazate, où installés à la terrasse d’une laiterie ils savourèrent un petit déjeuner bien mérité. Ils avaient pour voisin un marchand qui par une habileté qui reste encore un mystère parvint à les amener dans son magasin où il leur montra sa quincaillerie.

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Ils continuèrent alors et passèrent au delà de montagnes peu élevées mais suffisamment sinueuse pour que Joachim décidât de fermer les yeux et de dormir pour ne pas voir la 4L négocier les virages. Ils roulèrent ainsi jusqu’à midi, où une route en lacet serpentant vers le sommet se trouva tout à coup encombrée d’une file interminable de 4L. Cela était du à une collision entre une 4L et un taxi marocain, grand chauffard devant l’éternel. Nos renards patientèrent donc une demi-heure au soleil, en prenant l’apéro sur l’asphalte. Cependant, la chaleur devenait peu à peu suffocante et un début de piste sur le côté faisait de l’œil à Joachim qui vivait mal de devoir partager la chaussée et limiter sa vitesse depuis son retour sur route. Discutant rapidement avec un postier marocain pressé, il décida de couper par le désert pour éviter les embouteillages et suivit son guide improvisé. Malgré le poids et la taille de son véhicule, le postier fonçait comme un bolide sur la piste défoncée et la 4L eut du mal à le suivre. Cependant, la sensation de liberté absolue de mener sa voiture selon son humeur en entendant les pneus crisser sur les pierres et ces mêmes pierres taper contre le châssis était bien au rendez-vous, une fois de plus. S’enfonçant loin dans le désert, nos sciences-pistes commençaient pourtant à se montrer moins optimistes concernant cet itinéraire improvisé lorsqu’ils aperçurent un petit village niché dans le creux d’un vallon irrigué par un cours d’eau. Se fiant à ce signe encourageant, ils continuèrent avec difficulté à suivre le facteur et atterrirent finalement sur une petite route qui rejoignait la grande après l’embouteillage.

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Une centaine de kilomètres plus loin, l’étape de montagne attendait nos grimpeurs avec notamment le col de Tichka à franchir, réputé le plus dangereux d’Afrique à plus de 2260 mètres. La montée fut particulièrement rude pour la 4L à la boîte de vitesse ensablée et au carburateur encrassé, d’autant qu’il fallait faire attention aux camions de toutes sortes qui doublaient en klaxonnant, comme s’ils disposaient d’une priorité officielle. La descente s’avéra tout aussi exigeante pour les nerfs, avec des virages en épingle à cheveux et une absence quasi systématique de rambarde de sécurité. Ou alors celles qui tenaient debout restaient trouées par les gens qui les avaient traversées, sans que quiconque songeât à les réparer pour qu’elles remplissent leur usage. La montée et descente ayant constitué quasiment 80km de montagne, le réservoir fut bientôt vide et c’est quasiment en roue libre que la 4L attint miraculeusement une station service à l’entrée du village.

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Une fois le plein fait, la route se poursuivit jusqu’à Marrakech, où les ânes, mobylettes et vélos cédèrent la place à une multitude de voitures de luxe, et à des villas entourées de remparts longés par des palmiers. La circulation chaotique se résumait en quelques mots : la loi du plus fort. Le 4×4 qui s’avance pleins phares sur un rond-point avec d’énormes pare-buffles chromés a toujours la priorité. Ayant trouvé l’hôtel, le luxe déployé dans ce 4 étoiles impressionna nos renards, qui s’installèrent plein de sable dans leur suite. Chacun vaquât alors aux occupations qui leur avaient le plus manqué, Emilie prenant un soin complet des cheveux et du corps et Joachim partant courir une bonne heure et demie dans Marrakech, repérant les lieux pour la visite du lendemain. L’appétit creusé par ces activités diversement épanouissantes, l’abondance du buffet royal qui leur était réservé acheva de marquer la fin des privations désertiques.

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Jour 9 : l’apothéose

Ce neuvième jour d’aventure devait être le plus intense : il le fut. Par le format de l’épreuve marathon tout d’abord : 262 kilomètres de pistes (et de hors-pistes) suivis de 374 kilomètres de route pour rallier Marrakech depuis le bivouac de Marzouga, le tout en 48h d’autonomie totale dans le désert. Idéalement, l’organisation avait prévu que les plus rapides atteindraient le kilomètre 230 à la tombée de la nuit, en laissant le reste pour le lendemain. Mais de la théorie à la pratique il y a toujours un fossé qu’il est dur de franchir, même pied au plancher.

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Tout avait pourtant bien commencé. Levée à 7h30, Emilie avait déjà entrepris de préparer les affaires pour le départ. Préparant l’épreuve du jour en accumulant autant de sommeil que possible, Joachim qui avait fêté comme il se doit sa dernière nuit à Marzouga n’émergea de la tente que vers 8h30. S’attardant un peu au petit déjeuner, il était finalement prêt vers 9h30, et c’est à cette heure là que l’équipage s’élança pour atteindre le contrôle de sécurité à l’entrée des pistes ensablées avant 13h, sans quoi les retardataires rejoindraient sur la route ceux dont les défaillances mécaniques les empêchaient de prendre le départ, l’organisation ne voulant pas passer son temps à chercher ceux qui seraient physiquement incapables d’arriver au bout de la piste. Cependant, la perspective d’un tel isolement poussa nos comparses à attendre leurs compagnons de route des jours précédents, alors que ceux-ci passaient justement la contre-visite technique pour prendre le départ. Cuisant lentement au soleil, l’équipage 1667 attendit sur le bord des dunes jusqu’à 12h30, soit 30 minutes avant l’interdiction de prendre le départ, avant de se décider à s’élancer seul vers son destin.

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Emilie entama alors les hostilités, conduisant au travers d’une plaine infinie entourée de montagnes noires. L’immensité de l’espace rendait l’orientation très difficile, et du fait de leur départ extrêmement tardif, aucune 4L n’était à leurs côtés pour les rassurer. Avançant à bonne allure, les premiers nuages de poussières à l’horizon confirmèrent que la direction indiquée par Joachim était la bonne, et ils parvinrent à rattraper les premières voitures qui s’étaient arrêtées pour le déjeuner. Prenant à leur tour 30 minutes pour se régaler d’un délicieux saumon à l’oseille sur son riz basmati, ils se retrouvèrent à nouveau en queue de peloton.

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Joachim prit alors les commandes, le ventre plein et l’air décidé à arriver le plus loin possible à la tombée de la nuit. La motivation était d’autant plus grande que la nuit précédente avait été assez inconfortable, passée sur un lit de cailloux de taille modeste mais qui empêchaient le sang de circuler convenablement. Or, au vu de la taille des roches qui meublaient l’étendue désertique, il valait mieux quitter cet endroit avant de devoir y planter sa tente. Quelques kilomètres plus loin, les pierres disparurent pour laisser place à du sable noir parsemé de cailloux minuscules, entretenant une ressemblance frappante avec du goudron. Se fiant à cette similitude, Joachim en déduisit que le sol était roulant et battit le record de vitesse de l’équipage hors route, à savoir 90km/h sur cette sorte de sable qui se trouvait projeté à plusieurs mètres de hauteur après le passage de la voiture. Surtout, les renards prirent soin d’emprunter une trajectoire parallèle à la colonne de voitures qui se suivaient comme des escargots, et ils en doublèrent un bon nombre tant que dura ce formidable terrain.

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Autre terroir autre difficulté. Après une modification brutale du cap, le vent changea tout à coup de direction et le sable de consistance : devenu extrêmement volatile, il se formait d’énormes nuages impossibles à éviter sous peine de trop s’écarter des traces et de s’ensabler dans les oueds voisins. L’équipage 1667 avança donc sur quelques kilomètres avec du sable qui s’engouffrait dans l’habitacle et les poumons de ses occupants. A la sortie de ce corridor ensablé, tout l’intérieur de la voiture était tapissé d’un demi centimètre de sable couleur ocre et goût de cendre. Rien n’y avait résisté, où que l’objet se trouvât dans la voiture. Ne pouvant continuer à respirer un air aussi vicié, nos sciences-pistes s’arrêtèrent, et déchargèrent toute la voiture en secouant les affaires une à une afin de chasser le sable. Les remettant ensuite dans la voiture, ils furent frappés de la place qu’ils avaient pour ranger leurs affaires dans le coffre alors que le volume disponible dans celui-ci avait jusqu’alors été plutôt réduit. Soudain, l’évidence leur apparut : il manquait deux roues de secours ! Le coffre ayant été fermé pendant la nuit, une grande discussion s’engagea pour savoir comment diable ces deux roues avaient bien pu être perdues, ou plus vraisemblablement volées. Rendant hommage à la dextérité des voleurs, ils reprirent leur route, perplexes.

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Un obstacle d’un genre nouveau allait les tirer de leurs pensées : la traversée de cours d’eau. Ayant inféré des expériences précédentes que la 4L était capable de tout surmonter avec l’élan suffisant, ils prirent donc suffisamment de vitesse pour passer la petite rivière dans un grand éclat d’eau. Une station de pompage fonctionnant peu après, un nouveau cours d’eau bien plus profond coulait en aval, laissant la possibilité de le contourner en amont. N’ayant d’abord pas considéré cette possibilité, Joachim se reprocha de la rive et tâta le terrain. De l’autre côté, un journaliste de France 3 lui assura qu’il passerait à la télé s’il passait la rivière. De l’autre, un équipage embourbé et sa copilote l’exhortèrent de n’en rien faire. Cédant à la voix de la raison, il contourna donc l’eau la mort dans l’âme, espérant que d’autres attractions viendraient pimenter sa journée.

En attendant, l’attraction était surtout constituée par la 4L pour les enfants de ces régions désolées, dont l’agressivité ce jour-là n’avait d’égale que la nervosité de l’équipage. Forçant la voiture à ralentir en se jetant presque sous les roues, les enfants avaient ensuite pour jeu de donner des coups de pieds dans les portières. L’un d’eux, particulièrement adroit, parvint même à atteindre le rétroviseur gauche, le déplaçant pile poil pour que le conducteur puisse voir quelque chose d’autre que les poignées de porte.. Espérant calmer ces enfants déchainés, l’équipage donna en pâture à ces fauves les bonbons LCL qui lui restait sous emballage : il provoqua immédiatement une guerre fratricide qui lui permit au moins de rouler sans trop d’encombres.

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Le jour commençait à décliner, et le cap changea pour sortir de cette plaine ensablée cernée de montagnes. Cependant, la direction était précisément celle du soleil, et le fait de rouler à contre-jour ajouté à la crasse du pare-brise et à la poussière soulevée par les équipages précédent réduisait considérablement la visibilité. Cependant, le sable était plutôt lisse à l’exception de cailloux de taille modeste, permettant de rouler à grande vitesse. Soudain, alors qu’Emilie et Joachim discutaient une nouvelle hypothèse expliquant la disparition de leurs deux pneus, un bruit fracassant retentit. Tout se passa très vite, ils eurent la sensation d’être projetés en l’air, et retombèrent dans un fracas effroyable, tout ce qui était posé autour d’eux sautant jusqu’au plafond et retombant n’importe où dans l’habitacle. Le moteur hurla et s’éteignit. Sans rien comprendre à ce qui s’était passé, abasourdis, ils surent leur 4L Trophy terminé. Le cœur serré, presque tremblant tant ce qui s’était passé était violent et inexplicable, ils descendirent de la voiture. Jetant un coup d’œil à la plaque de protection en acier de 12mm d’épaisseur fixée sous le moteur, ils virent qu’elle était enfoncée d’au moins 10cm, écrasant une partie du moteur et rentrant dans le châssis par endroits. Sur la zone de l’impact, la plaque avait été éventrée. Regardant derrière eux, ils virent un énorme bloc haut de plus de 30cm, qui lui n’avait pas bougé. Reconstituant ce qui s’était passé, ils comprirent qu’ils avaient heurté la pierre, et que la plaque avait été suffisamment résistante pour permettre à la voiture de décoller plutôt que d’être d’arrêtée net ou d’être coupée en deux en heurtant le bloc. La voiture avait ensuite atterri sur ses 4 roues, les amortisseurs prenant un choc jamais rêvé par les ingénieurs Renault.

Cherchant à voir ce qui ne marchait pas, Joachim tourna la clé et quelle ne fut pas sa surprise de découvrir que le moteur tournait encore. Mieux, la première pouvait être enclenchée et la voiture avançait encore. Nos deux esprits cartésiens avaient complètement perdu les pédales, et acceptèrent volontiers l’explication fantastico-mystico-religieuse, attribuant ce miracle tour à tour au dieu de la 4L, à l’esprit de la 4L ou modèle Savane de la 4L.

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Quoi qu’il en soit, ils décidèrent de continuer, profitant à fond de l’avance qu’ils avaient prise au cours de l’après-midi. Le soleil tombait derrière les montagnes, mais il fallait encore en sortir pour atteindre le kilomètre 230 prévu par l’organisation comme le maximum faisable en une journée. L’interdiction de rouler de nuit avait été donnée pour des raisons de sécurité évidentes, mais il restait encore quelques dizaines de minutes de luminosité crépusculaire. Alors que ceux dont les nerfs lâchaient s’arrêtaient sur le bord de la piste pour y passer la nuit, notre 4L morte-vivante roulait à tombeaux ouverts derrière deux autres véhicules jusqu’à atteindre une piste au sommet d’un talus, la dernière jusqu’à l’arrêt. Il fallut encore monter le talus, chose que l’avant-garde des 1500 4L terminait tout juste. Alors que les deux voitures qui avaient tâté la piste pour nos aventuriers décidaient de passer la nuit au pied du talus, ceux-ci décidèrent au terme de délibérations acharnées de s’accrocher au groupe de tête pour atteindre au but. Alors qu’une légère lumière orangée les séparait encore de la nuit noire, les renards ne pouvaient se raccrocher à travers la poussière qu’aux deux feux arrière de ceux qui les précédaient. Pendant que Joachim, ses lunettes de soleil toujours sur le nez car elles faisaient aussi lunettes de vue, plissait les yeux pour ne pas perdre de vue les deux points rouges au milieu de la poussière, Emilie sortait la tête de la voiture pour vérifier que le fossé qui longeait la piste n’était pas trop près de leurs roues.

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Finalement, ils attinrent sains et saufs le bivouac sommaire dressé par les premiers, tous levés aux aurores et 4L Trophystes aguerris, qui n’en revenaient pas qu’une telle distance ait été couverte en entrant si tard en piste. Etant parvenus au bout du désert avant d’emprunter la route le lendemain pour Marrakech, l’équipage 1667 se félicita mutuellement pour cet excellent travail, fit un bisou à sa monture et s’en alla manger des marshmallows grillés au feu de camp allumé sous les étoiles.

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Jour 8 : quand le sable fait partie de l’essence

Tout a parfaitement commencé en cette belle journée, à commencer par le nombre d’heures de sommeil, porté à près de sept. Le soleil éclairait les dunes d’une belle couleur dorée, tant et si bien que Joachim décida aussitôt levé de voir s’il pouvait encore mettre une jambe devant l’autre et s’en alla les escalader lors d’un footing d’une quarantaine de minutes. Au retour, une lingette de toilette pour bébé suffit à lui donner l’impression d’être propre et l’équipage 1667 se mit en route pour la boucle du jour.

Contrairement à la veille où le parcours avait été semé de petits et gros cailloux par un hypothétique petit poucet, la piste s’avéra très sablonneuse, un régal pour les suspensions qui couinaient à cause du supplice de la veille, mais un cauchemar pour l’embrayage qui à force d’être sollicité exhalait une odeur de brûlé. Progressant à bonne allure, nos renards se heurtèrent à une première queue de 4L, indice qu’un oued particulièrement sablonneux était proche. Décidant de ne pas perdre de temps à faire la queue – activité avilissante au possible dans un espace désertique – ils coupèrent donc par la droite et traversèrent cet ensemble de sable mou et de buissons à un endroit plus étendu mais plus dégagé. La première enclenchée, la 4L hurla de toute la force de ses chevaux, et avança jusqu’à une distance respectable, ne s’arrêtant qu’à quelques mètres du sol dur à cause de la rencontre inopinée d’une petite butte recouverte d’herbe à chameau, qui arrêta net la 4L et fit sauter le capot dont le mécanisme d’ouverture avait été fragilisé la veille par le choc.

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Ayant gagné une bonne heure d’avance sur les peureux qui faisaient la queue en attendant que les 4×4 de l’organisation les tractassent en cas d’échec, nos renards et leurs coéquipiers s’octroyèrent un pause bien méritée pour déjeuner sous les palmiers. En quelques minutes, les lentilles au petit salé étaient prêtes et nos sciences-pistes purent à l’ombre des palmiers en fleur remplir leur estomac affamé. Peu de temps après le départ, un autre oued attendait les concurrents qui se mirent à nouveau en file pour passer le bac à sable. Le déjeuner ne remontant qu’à une vingtaine de minute, Joachim n’eut aucun mal à faire une sieste tandis qu’Emilie prenait les commandes. L’obstacle fut franchi sans difficulté, la première de la TL Savane se révélant d’une efficacité redoutable. Ils franchirent même un autre bac à sable sans s’arrêter, alors que leurs amis, dotés d’un moteur plus puissant mais de dons moindres en ce qui concerne le pilotage incontrôlé s’arrêtaient à la moitié. Le temps de les tracter avec la sangle, et l’aventure continuait de plus belle.

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Il fallut à un moment sortir complètement de la piste et traverser une tranchée pour suivre le nouveau cap. Le virage ayant été trop violent, la 4L se retrouva immobilisée avec du sable entre les plaques de protection et le châssis, ce qui augmentait considérablement le poids de la 4L qui à mesure que ses roues tournaient semblait creuser sa tombe. Finalement, deux bonnes âmes qui passaient par là attachèrent la sangle de remorquage de l’équipage 1667 à leur châssis et tirèrent de toutes les forces de leur 4L Bien qu’un peu défigurée par l’effort, la 4L gardait une tenue de route et une carrosserie impeccables.

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Sur la dernière partie de l’étape, Emilie prit les commandes et Joachim dut s’improviser chef cartographe pour son amie, la guidant vers le bon cap et lui conseillant fortement d’éviter les ornières. L’ensablement eu lieu 2-3 fois dans l’heure qui suivit, ce qui représentait un score honorable compte tenu de la topologie des lieux. Le mode bourrin étant le plus efficace, il fallut s’acharner sur l’accélérateur pour parvenir jusqu’au campement. Comme quoi, suivre le road book à la lettre ne suffisait parfois pas.

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Nos renards purent finalement se détendre, après avoir rempli leur jerrycan avec seulement 10 litres d’essence pour cause de rationnement, accompagnés de paroles réconfortantes telles que : « t’en fais pas, on finira bien par te trouver si tu te perds dans le désert ». C’était à espérer puisque l’épreuve marathon du lendemain leur ferait parcourir pas moins de 500km en autonomie.

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Jour 7 : fête foraine saharienne

Pour la première fois depuis une semaine, la nuit avait été réellement reposante pour nos renards, dont la tente posée sur du sable fin n’avait eu aucun mal à les isoler de la tiédeur de la nuit. Le réveil à 7H45 leur fit l’effet d’une grasse matinée, et ils eurent le loisir avant d’écouter le briefing énonçant les pièges de la journée de prendre un petit déjeuner berbère, composé de pain local, de beurre crémeux et de miel onctueux. Faisant la queue jusqu’à la sortie du bivouac au milieu des coups de klaxon, on aurait pu se croire sur le périphérique si les dunes et les 4L de toutes les couleurs ne n’étaient pas venues démentir ce réflexe parisien.

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L’étape du jour se composait d’un tracé mêlant piste, dunes et cailloux, qu’il s’agissait de garder à 112km en évitant de se perdre et en n’oubliant aucun check point. Sur les 20 premiers kilomètres, les secousses furent tellement violentes que l’équipage lillois en compagnie duquel l’équipage 1667 partait à l’aventure cassa les barres en acier qui retenaient la plaque de protection fixée sous le châssis. La moitié de la plaque trainant au sol, il fallut scier la partie la retenant encore à la voiture pour pouvoir continuer à avancer sans racler le sol. Bien plus vulnérable, l’équipage se promit d’être prudent.

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Ce fut finalement chez nos sciences pistes que survint le prochain accident. Roulant à bonne allure sous peine de caler sur la piste ensablée, Joachim attaqua la butte en rétrogradant en première afin de jeter toutes les forces du moteur dans la bataille. Parvenu en haut, il fallut encore la redescendre sans se prendre dans le sable. Or, les deux filles qui roulaient devant semblaient rencontrer des difficultés, et soudain elles pilèrent. Contrôlant difficilement la voiture qui dérapait sur le sable en entrainant le volant dans de grands tours sur lui-même, Joachim donna un coup de volant à droite et freina, mais trop tard : l’aile droite de la voiture vint donner contre le pare-choc arrière des filles dans un bruit de tôle froissées. Les filles, à l’arrêt, se contentèrent d’un pare-choc légèrement déformé au point d’impact. En revanche, le véhicule 1667 se retrouva avec l’extrémité droite aplatie comme une canette usée, le clignotant ayant sauté et la tôle ayant pris la forme du pneu – ce qui l’empêchait de rouler. Heureusement pour les équipages, le choc n’avait pas été beaucoup plus violent que celui d’une auto-tamponneuse.

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Le mal étant fait, il fallut songer à réparer. Heureusement, si la tôle se déformait aussi facilement c’est qu’il était tout aussi facile de la redresser. Profitant encore une fois de l’extraordinaire solidarité qui régnait dans le désert, Joachim et Emilie entreprirent de réparer grâce à l’aide des autres équipages qui s’étaient arrêtés près d’eux, et même d’un bédouin descendu de sa mobylette. Soulevant la voiture grâce au cric, ils enlevèrent la roue, ce qui dégagea l’accès à la carrosserie sur laquelle ils purent cogner comme des sourds au marteau. Peu à peu, la tôle reprit une forme plus harmonieuse, avec cependant quelques bouts de peinture en moins. Cependant, malgré tous leurs efforts le pneu continua de toucher le métal lorsque le pneu était braqué à gauche et que l’on appuyait sur le capot pour simuler la suspension. Cependant, ils étaient désormais capables de rouler et s’avançant de quelques kilomètres jusqu’au contrôle de passage, ils eurent la surprise de trouver un énorme 4×4 de mécanos arrivé sur place pour régler le problème de démarreur d’une autre voiture. Ils obtinrent l’aide d’un mécano qui coinçant une masse derrière la tôle, frappa dessus de plus belle et parvint à lui rendre sa forme originale. Faisant dans le détail, il aida même l’équipage à réparer le clignotant, qui fonctionnait désormais sans vitre de protection. La 4L comme neuve ou presque, ils reprirent alors le chemin.

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Après avoir mangé un chili con carne en plein désert, ils arrivèrent à des oueds, zones particulièrement périlleuses tant le sable y était mou. De nombreuses voitures étaient d’ailleurs échouées au même endroit, visible de loin. Prenant de l’élan, ils passèrent à côté et à l’aide des deux équipages avec lesquels ils faisaient la route, créèrent leur propre piste dans le désert. Chaque voiture s’ensabla une fois au même endroit, à commencer par celle de nos sciences-pistes. N’ayant pas souhaité s’encombrer de plaques de désensablage, les tapis de sol de la voiture firent parfaitement l’affaire. Calés sous les roues avant, il suffisait de pousser la voiture tandis que la première enclenchée tournait à fond pour se sortir de ce mauvais pas.

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Les oueds passés, ils continuèrent leur chemin jusqu’à apercevoir une longue queue de voitures immobiles. C’était le franchissement tant redouté de l’étape du jour, une descente de 150m de sable extrêmement mou, suivie d’une petite butte avant de retrouver le plat assaisonné d’énormes caillasses. 7 voitures sur 8 s’embourbant avant même d’arriver en bas, le procédé était très long pour les désensabler et leur faire monter la butte. Or, c’était le seul passage à travers les montagnes qui formait un mur de part et d’autre, et l’organisation avait regroupé bon nombre de ses 4×4 pour tracter les malheureux. Les membres du staff guidaient les pilotes qui faisaient la queue en leur donnant des conseils comme s’ils allaient monter dans un manège. Appréhendant ce moment en raison de la faiblesse supposée du moteur, Joachim finit par s’élancer du plateau. Dévalant la pente en première, pied au plancher, l’équipage expérimenta cette sensation délicieuse de « sand planning », la 4L surfant sur le sable dans un bruit de moteur poussé à fond, rendant les roues quasiment incontrôlables et le volant très dur à manier. Passant la butte avec une bonne vitesse, ils arrivent à la merci des pierres qui jonchaient le sol et nombreux furent celles qui, ne pouvant être évitées, vinrent ébranler le châssis en frappant violemment les plaques de protection. Etant parvenus à passer là où tout le monde ou presque s’était ensablé, l’équipage 1667 était en liesse.

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Cette dernière difficulté surmontée, il restait encore la moitié du chemin à parcourir, ce qui fut rapidement fait roulant parallèlement aux pistes pour éviter la poussière. Le jour diminuant, il fallut alors conduire au crépuscule, et profiter des sensations d’un coucher de soleil sur les dunes. Se trompant encore une fois de route, prenant à gauche dans un rond-point mal indiqué, cette petite erreur de cap permit néanmoins à nos étudiants de découvrir la ville de Mergouza et son goudron mal fini.

Finalement, nos aventuriers retrouvèrent l’entrée du camp, prenant soin de choisir l’emplacement sous la double contrainte du vent et de la queue du lendemain matin. Réunis comme  il se doit au JT de 19h30, interviews et situations cocasses divertirent la foule de 3000 personnes réunies devant l’écran géant. La projection se clôtura sur une note d’un romantisme à couper le souffle, lorsqu’un participant se décida à faire sa demande en mariage sous les yeux humides de toute l’assemblée.

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Jour 6 : à la poursuite du désert

Le lever à 6h fut rudement ressenti par nos deux compagnons qui ne s’étaient pas couchés aussi tôt qu’ils l’avaient prévu la veille. Pliant la tente de plus en plus rapidement, ils étaient prêts une vingtaine de minutes plus tard à goûter aux réjouissances du jour.

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La première partie du parcours consista en une traversée du moyen Atlas, jusqu’à la ville de Midelt. Comme toutes les étapes de montagne, celle-ci fut doublement intéressante en tant qu’elle proposait  des trajectoires sinueuses aux reflexes endormis et des paysages à couper le souffle aux paupières lourdes. L’aube projetant ses éclats sur les montagnes leur donnait une couleur rougeoyante, contrastant avec la pureté du ciel.

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Passant rapidement à Midelt, l’équipage prit alors la direction d’Errachida, descendant des montagnes le long d’un cours d’eau. A nouveau, le contraste était saisissant entre montagnes rocailleuses et palmeraies luxuriantes tapissant le fond de la vallée. Un poulet kebab infâme abrégeant le déjeuner, et il était temps pour nos renards de faire ce pour quoi ils étaient venus : rouler dans le désert.

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L’occasion leur fut donnée lors de l’étape reliant Erfoud à Merzouga, le bivouac d’arrivée. A un moment donné, l’itinéraire quitta la route et emprunta une piste qui après l’avoir suivie quelques temps, ôta rapidement tout point de repère. Seul une étendue rocailleuse entourait les voitures, sans aucun élément auquel la vue puisse se raccrocher. La seule alliée devenait la boussole, et il fallait être capable de suivre la direction qu’elle indiquait en dépit des fréquents changements de cap qu’imposaient les imposants rocs présents au sol. C’était fut le premier contact de la 4L avec la dure réalité du terrain, et il n’était pas tendre : les pierres rendaient les trépidations incessantes, tandis qu’un bruit sourd retentissait sans discontinuer. Les tremblements étaient si violents que le capot menaçait de s’ouvrir et le rétroviseur de se décrocher. Heureusement pour la pauvre 4L, les plaques posées sous le châssis protégeaient ses organes vitaux – cardan et réservoir – des pierres qui le percutaient avec une telle force que le pied du pilote posé sur le plancher ressentait tous les impacts.

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Désorientés par le nuage de poussière soulevé par les voitures, nos sciences-pistes se retrouvèrent soudain face à de nombreux enfants qui leur indiquaient la direction suivie semble-t-il par les autres voitures. L’empruntant sans se méfier, leurs roues perdirent soudain toute adhérence : ils glissèrent un moment emportés par leur vitesse avant que le moteur ne cale, ensablé. Ravis, les mômes proposèrent alors de pousser la voiture en échange de la modeste somme de cinq euros, chacun. Intervint alors ce qui fait toute la valeur du 4L Trophy, l’entraide. Deux équipages avec qui ils faisaient la route se joignent à Joachim qui poussait déjà la voiture. Grâce à cette force décuplée, l’habile maniement de l’embrayage d’Emilie permit de sortir de l’impasse en peu de temps. Reconnaissants pour l’aide apportée, nos renards s’arrêtent désormais chaque fois qu’une voiture semblait en difficulté, et certaines enfoncée de 50cm dans le sable ne furent pas facile à tirer d’affaire.

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Finalement, l’étape arriva à son terme sans aucun dégât majeur et simplement un autre ensablement. Cependant, au vu des secousses subies par la voiture, des inquiétudes commencèrent à poindre concernant la capacité à rentrer avec la voiture jusqu’à Paris. Mais pour l’heure, les renards faisaient leur possible pour garder leur instrument en état, et ils prirent soin de contrôler les niveaux d’huile et de liquide de refroidissement, vérifier la pression des pneus et de décrasser le filtre à air. Ces formalités accomplies, une grande nouveauté s’offrit à eux dans ce bivouac installé au milieu des dunes : la présence de douches. A l’instar de tout ce qui se passe dans le désert, celles-ci se prenaient sous tente, perché sur une palette en bois. Tout propres, nos sciences pistes purent alors se rendre à la remise des dons, cérémonie organisée par l’association Enfants du désert pour répartir et remercier de l’effort de chargement consenti. La montagne de matériel scolaire amenée par toutes les 4L fut alors officiellement remise aux bénévoles, avec l’assurance qu’un tel don permettrait à au moins 20 000 enfants des régions les plus déshéritées de se rendre à l’école dans d’excellentes conditions et à quatre nouvelles écoles d’être construites. Pour un équipage de 4L, c’est donc pratiquement une classe qui est créée.  Le matériel transporté par l’équipage 1667 était le suivant :

Cartable vert

  • -­‐  1 trousse contenant 10 Stabilos
  • -­‐  4 boîtes de crayons de couleur
  • -­‐  2 sacs plastique contenant 58 stylos Bic
  • -­‐  1 sac contenant 100 stylos Bic
  • -­‐  4 paquets de feutres
  • -­‐  20 stylos
  • -­‐  2 paquets de 15 stylos
  • -­‐  3 paquets de 10 stylos
  • -­‐  2 paquets de 4 stylos
  • -­‐  1 paquet de 5 stylos
  • -­‐  8 pochettes
  • -­‐  1 paquet de feuilles mobiles
  • -­‐  5 cahiers grand format

Cartable bleu

  • -­‐  4 pairs de ciseaux
  • -­‐  6 tubes de colle
  • -­‐  3 taille-­‐crayons
  • -­‐  37 crayons à papier
  • -­‐  6 gommes
  • -­‐  10 boîtes de crayons de couleur
  • -­‐  2 équerres
  • -­‐  1 rapporteur
  • -­‐  1 règle
  • -­‐  9 cahiers grand format
  • -­‐  2 paquets de 400 pages de feuilles à petits carreaux
  • -­‐  8 petits cahiers

Sac annexe 1

  • -­‐  1 boîte de feutres
  • -­‐  1 boîte de crayons de couleurs
  • -­‐  1 boîte de crayons à papier
  • -­‐  44 petits cahiers
  • -­‐  14 grands cahiers
  • -­‐  21 Bic LCL
  • -­‐  1 agenda 2013-2014

Sac annexe 2

  • -­‐  6 ballons
  • -­‐  3 shorts
  • -­‐  2 médailles
  • -­‐  10 t-­‐shirts triathlon

Après cette cérémonie qui emplit de sens l’expédition vint l’heure du traditionnel apéro. Une fois n’est pas coutume, deux bédouins de passage au bivouac se joignent aux étudiants afin d’écouler leur marchandise auprès de filles qui elles-mêmes crurent avoir fait des affaires, preuve supplémentaire s’il en fallait de l’effet pacificateur du commerce. La bière à la main, après avoir rassuré l’assemblée sur l’état de ses 10 enfants et de ses 3 femmes, un des bédouins énonça d’un air inspiré la loi du désert : « il faut vivre et laisser vivre ».

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Jour 5 : le débarquement

Le lever à 2h du matin fut impitoyable, à la fois terriblement dur pour le corps qui ne comprenait pas pourquoi on l’extirpait du duvet si peu de temps après l’y avoir enroulé, et pour les nerfs car il n’y aurait pas deux bateaux. Après avoir mal replié en 10 minutes une tente qui avait pris 2 secondes à être utilisable, nos sciences pistes prirent la direction du port, soucieux d’avoir l’insigne honneur d’être parmi les premiers parqués à fond de cale. Ils y parvinrent, et après avoir lestement rempli les formulaires administratifs en comprenant bien que s’il était facile de quitter l’Europe il serait plus difficile d’y revenir, ils s’accordèrent 2h de sommeil supplémentaires. A 5h30, les 4L débarquèrent les unes après les autres à Tanger Nord, trépignant de prendre le départ.

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Le compteur de l’équipage 1667 affichait 133 274km en touchant le sol marocain, soit exactement 3014km parcourus depuis Paris. Impatients d’avaler encore plus de kilomètres, nos trophystes s’élancèrent bientôt sur l’autoroute en direction de Kenitra. L’aurore aux doigts de rose se faisait attendre, seul un épais brouillard était présent pour envelopper de son étreinte humide les équipages dont certains dévalaient le bitume à toute allure. La hiérarchie ne tarda pas à apparaître entre TL et GTL, soit entre ceux qui tenaient péniblement le 90km/h et ceux qui fanfaronnaient à 120km/h. Inutile de préciser que nos coureurs faisaient partie de la première catégorie.

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Cependant, cela leur laissa le loisir de s’étonner devant les premières traits saillants du Maroc. Alors qu’ils imaginaient apercevoir des dunes dès la sortie du navire, nos jeunes touristes découvrirent une sorte de prairie très humide, ici et là recouverte d’une forêt épaisse. Surtout, ils furent choqués de voir que l’autoroute, qui murmure-t-on avec effroi en France n’accorde pas plus de 8min de survie aux piétons, en regorge ici, venus promener leurs moutons, vendre leur quincaillerie ou simplement discuter entre amis. Alors que les petits bolides tentaient d’avaler les 600km du jour le plus vite possible, ils devaient compter avec les imprudents qui traversaient l’autoroute comme leur salon. Dans ce décors quelque peu ubuesque, la file de gauche réservée aux véhicules lents permettait aux ânes de tirent tranquillement leur carriole.

Une fois passé Meknès, les montagnes de l’Atlas se profilèrent à l’horizon, annonçant des moments de lutte titanesque pour le moteur qui ne s’était pas reposé depuis près de 5 heures. Grimpant péniblement les routes en lacets, nos sciences pistes parvinrent à El-Hajeb, petite ville presque bobo comparée aux standards locaux, où ils décidèrent de déjeuner. Foulant à pied le territoire marocain, le dépaysement fut total. L’ambiance était au rendez-vous grâce à un match de foot organisé sur la place du village. Suivant les actions d’éclat d’un œil et gardant l’autre sur les saucisses qui mitonnaient avec les lentilles, ils sursautèrent en entendant tout à coup l’appel à la prière lancé depuis le minaret voisin, et se demandèrent un temps où le micro pouvait être débranché.

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Leur appétit satisfait et Joachim ayant nettoyé la vaisselle avec une minutie qui mérite d’être soulignée, ils reprirent leur ascension dans les montagnes. Une carriole ou un vieux camion fumant bloquant parfois le passage, entrainant une queue de cinq ou six 4L se trainant comme une colonne de fourmis, il fallut se montrer audacieux pour doubler dans les montées. En approchant du col du Zad, trônant à 2178m d’altitude, ils eurent la surprise de voir le paysage d’un brun aride s’égayer de tâches blanches de plus en plus grandes, et ne reçurent confirmation de ce dont il s’agissait qu’en voyant s’écraser sur le pare-brise avec un bruit sonore une boule de neige tirée par un trophyste embusqué. Certaines pentes étaient pour l’occasion transformées en pistes de glisse par les locaux et certains équipages saisissaient l’occasion de s’écraser le coccyx contre la fine épaisseur de glace.

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Enfin, au terme d’une longue redescente dans les terres, le petit groupe de 4L dans lequel s’était inséré l’équipage 1667 arriva à Boulôjoul, nom du lieu-dit dont fut baptisé le bivouac du soir. Planté au milieu de rien, en plein sable – ce qui implique, précisons-le, l’absence d’eau courante et de sanitaires – le campement regroupait les 1450 voitures et leurs occupants surexcités. Après avoir retrouvé l’autre équipage de Sciences Po ils firent connaissance sous une tente avec d’autres équipages n’étant pas occupés à régler des ennuis mécaniques en jouant des parties de tarot successives dont une perdue par Joachim à 0.5 près et une gagnée par Aurélie avec 24 points d’avance. Un apéro servi sur le capot de leurs voitures ne tarda pas à réconcilier chanceux et malchanceux. A 19h30, ce fut l’heure de la grand-messe diffusée sur écran géant, avec le JT du 4L Trophy suivi du bêtisier, les deux étant à peu près équivalents. Après s’être régalés du tajine préparé amour par Brahim, le chef cuistot, les trophystes se préparèrent en conséquence à l’alerte grand froid annonçant des températures négatives pour la nuit et au lever prévu pour 6h le lendemain.

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Jour 4 : On the road again

Peut-on imaginer passer une aussi mauvaise nuit ailleurs que sur une aire de station essence? S’il ne s’agissait que des températures négatives des plateaux d’Espagne, la quadruple épaisseur de vêtements et les deux duvets auraient sufi à assurer une nuit certes grelottante mais tout de même paisible sur le revêtement caillouteux du parking. Mais ce que nos sciences-pistes n’avaient pas prévu en choisissant un tel lieu d’hébergement, c’est que l’activité reprendrait aussi tôt. Dès 4h30, le pompiste revint frais et dispo le tuyau à la main satisfaire l’appétit vorace des semi-remorques dont le moteur faisait un bruit d’enfer au milieu de la nuit. N’en pouvant plus, ils décidèrent donc de se remettre en route dès 6h, non sans la petite frayeur d’avoir perdu les clés qu’ils cherchèrent au milieu de la nuit, lampe torche au front.

Les ayant retrouvées, Emilie prit alors les commandes et conduisit la 4L à travers les montagnes désolées de la sierra de Cazoria en direction d’Ubeda. Dès 9h le soleil tapait dur, et la végétation portait d’ailleurs les traces de ce que subissaient nos sciences pistes. La 4L se trouva bientôt changée en four où ils décongelèrent de leur nuit. La chaleur n’empêcha nullement Joachim de faire une longue sieste, prenant le sommeil où il se trouvait. Son sommeil ne se trouva pas même troublé par les virages brusques qu’imposait à la pauvre 4L la route de campagne caillouteuse et poussiéreuse. Ils parvinrent alors à Jaèn, charmante bourgade construite sur un promontoire au milieu des plants d’oliviers.

Le dernier briefing avant l’embarquement du lendemain ayant lieu à 13h30 à Algésiras, ils savaient qu’ils seraient en retard et décidèrent de se priver de pause déjeuner pour atteindre le point de rendez-vous au plus vite. La longue descente depuis l’intérieur des terres les conduisit d’abord à Grenade, puis ils atteignirent la côte. Le chemin devint nettement plus luxuriant le long de la Costa del Sol, et ils passèrent Malaga en longeant le bord de mer, continuant vers Marbella, et enfin Gibraltar.

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Arrivés au campement 4L Trophy – une immense carrière au milieu de rochers rougeoyants – ils furent accueillis par un staff souriant qui ne leur jeta nullement la pierre d’avoir survécu en un peu plus de temps que prévu au trajet depuis Poitiers. Ils transformèrent quelques euros en dirham, cherchant à minimiser autant que faire se peut la quantité de monnaie de singe qui leur resterait sur les bras à la fin de l’aventure. On les rassura sur le fait que les commerçants – et la banque centrale – marocains accueillaient joyeusement les devises européennes. Demandant à l’agent de change improvisé quels pourraient être les meilleurs spots pour une baignade bien méritée, ils furent mis en garde sur le fait que la zone portuaire concentrait toute la misère du monde et qu’il faisait meilleur de se baigner loin des nappes d’hydrocarbures.

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S’acoquinant avec un équipage lillois auquel Emilie avait demandé conseil à Poitiers pour remettre en place la fenêtre qui lui était restée dans les mains, ils se mirent en quête de l’endroit idéal pour accueillir leur baignade. Ils ne tardèrent pas à le trouver à quelques 20km d’Algésiras, dans une magnifique crique résidentielle d’où ils purent à loisir admirer le rocher de Gibraltar, et profiter d’un délassement des sens bien mérité.

Le temps d’accumuler quelques denrées essentielles à la survie en milieu désertique, – parmi lesquelles trône fièrement un pack de 32 Kro – il ne leur resta plus qu’à accumuler autant de sommeil que faire se pouvait avant l’embarquement prévu à 3h le lendemain.

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